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Grâce à l’IA, demain tous écrivains ?

Pas une semaine ne passe sans que l’intelligence artificielle fasse parler d’elle dans les médias. Et pour cause, cette technologie qui semblait hier encore tenir de la science-fiction est devenue réalité. Avec la démocratisation ultra rapide de ces nouveaux outils qui proposent à tout un chacun de produire des textes littéraires, le monde de la littérature se trouve, il faut bien l’avouer, quelque peu démuni face au raz-de-marée des IA textuelles.

À la lecture des médias, on a l’impression qu’avec l’entrée des IA génératives dans le champ de l’écriture, c’est la mort de la littérature qu’on a signé. On nous présente souvent les choses comme une sorte de combat opposant d’un côté le monde fragile de la chaîne du livre, et de l’autre un béhémoth algorithmique écrasant tout sur son passage. Cependant on parle rarement du fonctionnement de ce dernier ― élément pourtant capital pour qui veut appréhender la situation actuelle.

Dans sa thèse soutenue en août 2023, Tom Lebrun retrace l’histoire de ces IA. Tout a commencé avec ce qu’il appelle « la génération combinatoire ». Des IA créant du texte, soit en combinant des bouts de phrases issus de textes préexistants, soit en sélectionnant des mots qu’elles appliquent à des structures syntaxiques préétablies pour construire des phrases. Une création reposant sur une programmation aléatoire du texte sur lequel l’utilisateur n’a finalement que peu d’influence. Est venu ensuite le temps de « la génération automatique » dans laquelle l’IA a été programmée pour créer des textes poétiques selon les consignes grammaticales et syntaxiques très détaillées fournies par son utilisateur.

Aujourd’hui, nous sommes dans le 3e âge de la production de texte par IA avec la « génération par apprentissage ». Capable d’analyser très finement d’immenses corpus littéraires pour en faire émerger des patterns qu’elle utilise pour créer de nouvelles variations textuelles basées sur des calculs de probabilité, elle s’affranchit en grande partie de l’usager, gérant elle-même le fond et la forme à partir de consignes assez rudimentaires.


Dès lors, une véritable course aux logiciels de génération de texte s’est amorcée, tous avec la même promesse : permettre à chacun de devenir écrivain… ou plutôt de produire un livre. Une nuance qui a toute son importance. Pour ceux qui rêvent de poésie : Oupoco et PoetGPT. Pour les aspirants romanciers qui veulent un texte en quelques heures seulement : Bramework, Rytr, CloserCopy, WordHero, ShortlyAI, etc. Et pour s’exporter à l’international, JasperAI qui non seulement crée un texte, mais le fait directement dans 25 langues différentes.

De cette multiplicité d’outils sont nés des millions de textes qui ont submergé les plateformes de vente en ligne. Une situation inédite qui a pris tout le monde de court, même Amazon qui a dû sévir en imposant une limite par personne de trois nouveaux titres par jour sur sa plateforme. Il faut dire que ces ouvrages soumis en auto-publication présentent un avantage financier certain.

Ces “auteurs” dont le travail s’est limité à rentrer quelques prompts (phrases de commandes) dans un logiciel récupèrent 70% du prix de vente. Bien au-dessus des 11% versés en moyenne à l’auteur dans l’édition classique. Les plus touchées par ce phénomène sont les littératures de genre comme le polar et la romance. Une situation qui concerne également les livres de développement personnel ou de diététique pour lesquelles la concurrence est rude.

Un business lucratif pour qui sait en outre jouer avec les faux avis positifs, car ceux qui parviennent à se hisser dans le top 1000 (en nombre d’avis) peuvent atteindre un revenu avoisinant les 4000€ mensuels. Face à ces producteurs de livres et à la masse phénoménales de leurs écrits, les écrivains se trouvent noyés. Et quand des livres intégralement générés par IA sont sélectionnés, voire primés par des jurys littéraires (Hoshi Shinichi Literary Award en 2016, Jiangsu Science Writers Association en 2023) un malaise évident se fait sentir, car l’idée qu’une IA puisse peut-être créer une œuvre d’art affleure.

Source : Grâce à l'IA, demain tous écrivains ? - L'influx (linflux.com)

Écrit par Bilinda KEMOUCHE

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Les humeurs et les coups de cœur de vos bibliothécaires